La Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, ouverte à la signature le 10 décembre 1982, apparaît sans conteste comme un monument du droit international contemporain. Ce caractère résulte non seulement des dimensions impressionnantes de l'instrument adopté (320 articles et 9 annexes), mais aussi de la durée exceptionnelle et de l'ampleur sans pareille de la Conférence qui l'a élaboré. Les textes produits par neuf années de négociations intenses ne peuvent assurément se comprendre qu'à la lumière des différentes phases à travers lesquelles s'est réalisée leur rédaction. Or, celles-ci ne sont pas toutes apparentes et connues, loin s'en faut. Sans doute, comme pour les autres conférences internationales chargées d'adopter une convention générale, les débats de la troisième Conférence des Nations Unies sur le droit de la mer ont-ils fait l'objet d'une publication, sous la forme de comptes-rendus officiels préparés par le secrétariat de la Conférence. Cependant, outre la circonstance que cette publication n'est pas encore achevée, les 14 volumes de « Documents officiels » parus à ce jour ne reproduisent évidemment pas les discussions privées ou les débats des réunions officieuses, où s'est néanmoins déroulé l'essentiel de la négociation. Cette observation, qui est vraie de manière générale pour toute conférence de codification réunie sous les auspices des Nations Unies, l'est encore plus s'agissant de la Conférence sur le droit de la mer. Les séances officielles y ont été, en définitive, peu nombreuses et n'ont bien souvent laissé entrevoir qu'une faible part de ce qui était réellement en jeu. De plus, la recherche systématique du consensus sur l'ensemble des problèmes abordés a nécessité la mise au point de procédés, voire même de « recettes», d'un type entièrement nouveau et le recours à des instruments de négociation assez curieux. L'action combinée de la négociation multilatérale classique et de diverses formules de « négociation groupusculaire» pour la préparation de textes officieux n'engageant personne, mais servant de référence pour tous, rend donc extrêmement difficile le recours aux travaux préparatoires de la nouvelle Convention en tant que moyen complémentaire d'interprétation, au sens de l'article 32 de la Convention de Vienne sur le droit des traités. La majeure partie des travaux s'étant déroulée dans un cadre officieux et parfois même en dehors de la Conférence proprement dite, ceux qui voudront étudier la Convention de 1982 ou seront chargés de l'interpréter pourront difficilement se référer à «l'histoire documentaire des négociations, ... considérée à juste titre par la jurisprudence et par la doctrine comme un instrument subsidiaire légitime pour l'interprétation des traités». Pourtant, nombre de dispositions de la nouvelle « loi de la mer» sont directement tributaires d'une certaine technique utilisée pour les négocier, qu'il s'agisse de l'action de groupes restreints ou de l'influence d'individus particulièrement inspirés. S'il est incontestable que l'étendue, la complexité et l'aspect novateur de certaines questions ont conduit la Conférence à rechercher des moyens de négociation inhabituels, ceux-ci ont à leur tour souvent déterminé les types de solution retenus. En outre, il n'est pas douteux que les modalités originales et variées empruntées par les négociations sur le droit de la mer depuis 1973 seront de nature à inspirer à l'avenir d'autres conférences diplomatiques convoquées pour l'adoption de traités multilatéraux, tant il est vrai que cette Conférence peut être regardée comme un « atelier international expérimental». Pour ces différentes raisons, il était essentiel de pouvoir disposer d'une analyse détaillée et chronologique du processus suivi et des techniques de négociation mises en œuvre par les représentants des Etats participant à la Conférence des Nations Unies sur le droit de la mer. L'histoire de cette négociation, singulière à plus d'un titre, méritait à coup sûr d'être retracée. Elle ne pouvait l'être toutefois que par un observateur attentif et impartial, placé au cœur même d'un théâtre où les scènes et les tableaux étaient si emmêlés et si divers que les acteurs eux-mêmes en arrivaient parfois à perdre la trame de la pièce qu'ils étaient censés jouer. Aussi faut-il savoir gré à Jean-Pierre Lévy d'avoir décrit avec minutie l'organisation et le fonctionnement de ce fabuleux laboratoire juridique et diplomatique. Il nous livre ici un irremplaçable instrument de travail permettant à chacun de retrouver son chemin dans le dédale des sessions officielles, des réunions inter-session, des séances des groupes de travail ou de négociation, des documents officiels et officieux issus de ces différentes instances. Conçu comme un véritable fil d'Ariane de la Conférence, l'ouvrage facilite la compréhension des voies et moyens par lesquels s'est finalement dégagée et cristallisée la volonté commune des Etats de définir un nouvel ordre juridique international pour les mers et les océans. Jean-Pierre Quéneudec
Data pubblicazione
01/01/1983