A l'inverse de l'Inde ou de la Chine, seule, l'Europe a été en mesure d'édifier une véritable civilisation mari- time et de faire sentir son influence aussi bien politique, économique que culturelle, à l'échelle du globe. Cette formidable entreprise, amorcée dès l'Antiquité, s'est accélérée à la fin du Moyen-Age, pour connaitre son apogée à partir du XVIII•-XIXe siècle. Cette expansion ne va pas sans injustices. L'histoire a évidemment retenu le nom des grands navigateurs comme Hannon, Christophe Colomb, Vasco de Gama, Magellan, Cook ou La Pérouse. A la faveur d'innombrables affrontements, des chefs d'escadre comme Ruyter, Tourville, Suffren ou Nelson sont passés à la postérité. Il n'en reste pas moins une multitude sinon oubliée, du moins méconnue, celle des humbles, des simples gens de mer qui ont participé à cette prodigieuse épopée. Certes, d'Homère à Jack London en passant par Victor Hugo, la littérature a célébré les joies et les peines du marin, non sans une évidente déformation. On ignore trop que des millions d'hommes ont souffert à la mer, que des centaines de milliers ont disparu au cours de combats, de naufrages. On ignore encore que la plupart des marins, qui servaient à bord d'élégants voiliers, n'étaient pas des volontaires, ni même des gens de mer d'origine. La plupart servaient sous la contrainte, soumis à une discipline de fer, dans un univers bien souvent concentrationnaire et considérés comme la lie de la terre. L'expansion maritime européenne s'est accom- pagnée ainsi d'une effroyable contrainte qui n'a pris fin qu'à l'aube du XXe siècle.
Data pubblicazione
01/01/1986