Au temps d'avant le GPS et le radar, le pire cauchemar des capitaines de navires surgissait au moment même où le havre accueillant était le plus proche. Courant par gros temps dans une nuit noire, sans visibilité des atterrages, sans même, peut-être, avoir vu le soleil ou les étoiles depuis plusieurs jours, sa situation était quasi désespérée : Navire après navire, des dizaines de capitaines arrivaient ainsi du large, en proie à cette angoisse que les plaisanciers d'aujourd'hui n'ont plus à connaître, jusqu'au moment où, véritable délivrance, la lueur d'une torche bleue allumée par le bateau-pilote surgissait soudain de la nuit. Bien vite, l'échelle de corde était affalée le long de la muraille du navire pour accueillir chaleureusement l'homme que l'équipage souhaitait voir monter à bord plus que quiconque : le pilote. Les meilleurs bateaux du monde Les bateaux-pilotes étaient sans nul doute les plus prestigieux de tous au temps de la voile. Contrairement aux autres voiliers de travail, caboteurs ou pêcheurs, leur conception n'était pas conditionnée par des contraintes " de métier ", qui limitent toujours peu ou prou les qualités voilières. Comme les yachts, les bateaux-pilotes, soumis à une rude concurrence, sont taillés pour la marche. Mais les qualités nautiques que la pratique du pilotage hauturier exige d'eux sont sans commune mesure avec celle des bateaux de plaisance, car ils doivent être capables de sortir par tous les temps et d'étaler - sans fatiguer leur équipage - les coups de vent les plus durs rencontrés au large. Mieux encore, ces splendides machines devaient pouvoir être ramenées au port par un équipage réduit à l'extrême : c'est dire que les gréements avaient atteint la perfection dans la simplicité. Confrontés en permanence à des manœuvres périlleuses ou à des fortunes de mer, les hommes du pilotage étaient pour la plupart des marins d'élite. Il n'était que temps que justice leur soit rendue grâce à une série d'ouvrages de fond magnifiquement illustrés et documentés. A la recherche des pilotes et de leurs bateaux En matière d'architecture navale, et compte tenu des contraintes de leur métier, l'étude des bateaux-pilotes est la plus enrichissante qui soit. La documentation qui les caractérise (plans, demi-coques, tableaux) est particulièrement abondante. Et pourtant, à part quelques fameuses exceptions, ces navires et ces marins remarquables restent dans l'ensemble très mal connus ; les publications les concernant sont rares et dispersées. Après avoir fait resurgir du passé la mémoire des flottes de pêche et de commerce, Le Chasse-Marée se devait donc de consacrer une nouvelle série d'ouvrages de fond à ces hommes et ces voiliers d'exception. Pour cela, les meilleurs historiens locaux du pilotage ont été contactés dans la plupart des grands ports du monde. Et pour mettre en perspective cette histoire érudite et passionnante - documenté comme une thèse, l'ouvrage se lit comme un roman d'aventures -, c'est Tom Cunliffe qui a été choisi comme " chef-pilote ". A la fois marin et chercheur, il est sans conteste le meilleur connaisseur mondial du sujet ; il a navigué vingt ans sur le cotre-pilote de Bristol Hirta, et connaît la plupart des anciens bateaux-pilotes encore existants en Amérique du Nord et en Europe. Tome 1 Les bateaux-pilotes les plus élégants et les plus prestigieux Ce premier volume de la série, fruit de six années de travail acharné, révèle pour la première fois l'histoire des prestigieuses goélettes anglo-saxonnes, des premiers pilot-boats forceurs de blocus de Virginie au temps de la guerre d'Indépendance, aux grands coureurs de New York, dessinés par George Steers, l'architecte d'America. Mais on découvrira aussi les gracieuses goélettes de la Barre de San Francisco depuis les jours de la Ruée vers l'or, les belles canadiennes du Saint-Laurent, sans oublier les puissantes goélettes de Liverpool au temps où ce port de l'Empire britannique devient un des plus puissants d'Occident, ni les mystérieuses chaloupes-pilotes de Swansea au gréement si étonnant, qui ont captivé les meilleurs peintres de marine de Grande-Bretagne, mais dont on ignorait tout jusque-là. D'autres tomes traiteront des autres goélettes européennes - dont les fameuses dunkerquoises -, des bricks, des cotres de Colin Archer, de ceux du Havre ou de Bristol, des pilotes à voile latine ou des chaloupes à voiles au tiers de Bretagne, des dundées de Loire et de Gironde, bref, une véritable encyclopédie des voiliers traditionnels et un chapitre prestigieux de l'histoire maritime mondiale enfin révélés.